L'étude "les métiers de la propriété intellectuelle : Enjeux et perspectives d'une filière stratégique en évolution" commandée par l'INPI vient d'être publiée.
Elle donne une image mitigée voire morose d'une filière "monacale" (pour reprendre l'expression d'Yves Lapierre) et malthusienne, généralement incomprise alors même que l'importance de la propriété intellectuelle augmente.
Les voies proposées pour trouver des relais de croissance restent très théoriques et ne sont pas corroborées par les expériences observées :
"Des pistes sont envisageables pour repositionner la profession sur des
services à valeur ajoutée, mais elles nécessitent l’adjonction de compétences
complémentaires, par exemple :
- des statisticiens et des informaticiens pour développer des services de
cartographie
d’innovation ;
- des spécialistes de l’évaluation économique et l’accès à des réseaux de
spécialistes
techniques pour proposer des services de
valorisation de portefeuilles de brevets ;
- des professionnels de l’entreprise (anciens opérationnels ou acteurs du
conseil en management ou en stratégie) capables d’apporter la vision économique
nécessaire pour offrir des prestations de conseil en stratégie PI.
Dans tous
les cas, une taille critique doit être atteinte pour justifier ces
investissements et cela passe probablement par une consolidation du marché qui
est encore très éclaté. Les cabinets de CPI sont aujourd’hui généralement de
petite taille et les plus gros ne dépassent pas un effectif de l’ordre d’une
centaine de professionnels."
Des lacunes majeures dans l'analyse de la situation
L'analyse omet certains facteurs majeurs.
En premier lieu, une grande partie des professionnels de la PI exercent ou ont exercé leu activité dans le cadre d'une profession règlementée. C'est une force, dans la mesure où cela conduit à un niveau d'excellence professionnel. C'est peut être aussi une faiblesse, puisque cela renforce un "splendide isolement" et un cloisonnement de la filière. Rares sont les professionnels de la PI qui sont sortis de la "voie royale". On peut citer dans le passé Michel de Haas, passé d'associé d'un cabinet de PI à directeur juridique de Sanofi, ou plus récemment notre confrère Sylvain Allano, devenu directeur scientifique de PSA.
C'est aussi une faiblesse dans la mesure où le caractère règlementé limite très strictement les prestations autorisées, le périmètre d'activité et les possibilités de faire connaître le métier.
Cette tendance "corporatisme" est renforcée par le fait que les professions règlementées de CPI ou d'avocat s'exercent de surcroit dans un mode essentiellement libéral. L'exercice d'un métier en mode libéral conduit nécessairement à des modèles économiques mal adaptés à une politique d'investissement et de changement, notamment pour les structures non capitalistiques de type sociétés civiles.
En second lieu, l'étude n'a pas pris en compte les spécificités de la formation, conduisant les professionnels à un investissement très lourd dans leurs études et leur qualification professionnelle (BAC+8 au minimum pour un CPI brevets, et souvent beaucoup plus). Ceci interdit l'accès "transitoire" à la filière, dans un parcours professionnel diversifié, et n'incite pas les professionnels à abandonner la qualification et l'expérience durement acquise pour évoluer vers de nouvelles responsabilités dans l'entreprise.
L'étude n'a pas non plus pris en compte le métier d'examinateur qui emploie pourtant un nombre significatifs de professionnels de la PI, et occasionne actuellement un malaise comme l'illustre les grèves répétées à l'OEB, où les examinateurs ne sont pourtant pas particulièrement mal traités...
Enfin, un "benchmark" des situations à l'étranger aurait certainement permis d'éclairer la situation française à la lumière des filières dans des pays comme les Etats-Unis, l'Angleterre ou l'Allemagne.
Ce rapport constitue une occasion pour la filière PI de réflechir à son avenir et donnera sans doute l'occasion d'élargir la réflexion pour proposer des pistes plus ambitieuses, réalistes et audacieuses pour faire évoluer un ensemble de métiers passionnants, mais un peu sclérosés. Et bien sur, ce blog y contribuera si nécessaire ;-)
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