Le rapport "quelle France dans 10 ans" relève que le décalage entre les moyens financiers publics consacrés à l'innovation (Satt, IRT, CVT, pôles de compétitivité,...) et la création d'emplois et de richesses.
"Les initiatives infranationales en faveur de la recherche et de l’innovation n’ont pas encore pleinement porté leurs fruits. Ces initiatives n’ont cependant pas encore toutes fait leurs preuves sur le plan de la création de richesses et d’emplois, en raison notamment des problèmes de partage de la propriété intellectuelle et de gouvernance, ainsi que d’une capacité parfois insuffisante à coordonner efficacement les projets proposés par les parties prenantes."
On assiste depuis quelques années à un renforcement du professionnalisme des structures de valorisation, et à une volonté de rationalisation des acteurs du transfert de technologie.
Ces efforts sont hélas trop souvent menés de manière "nombriliste" par les acteurs publics, sans concertation suffisante avec les milieux industriels et notamment avec les PME.
On aboutit ainsi à des ambiguités préjudiciables :
- La priorité de ces structures est-elle la rentabilité et l'autofinancement ? où le soutien du tissu industriel français ? Aux Etats-Unis, la réponse est claire : il s'agit en premier lieu d'une volonté de patriotisme économique. Et si l'office de transfert gagne en plus de l'argent, tant mieux. Mais c'est un objectif secondaire. Ayant interrogé lors d'un congrès de l'AUTM le responsable du programme COMPETES sur sa perception de l'objectif d'autofinancement dans 10 ans des SATT, sa réponse a été "good luck, my friend !" Précisant que si beaucoup d'OTT sont profitables aux Etats-Unis, un nombre plus important encore perd de l'argent. L'étude du ratio "revenus de la valorisation/coût de la valorisation" sur 210 OTT membres de l'AUTM montre une forte disparité et une médiane de 0,6. L'objectif d'autofinancement imparti aux dirigeants des structures françaises est donc légitimement anxiogène. L'absence d'indicateur sur la richesse et l'emploi créé dans le tissu industriel renforce une financiarisation des objectifs de ces structures.
- L'empilement des structures. Une autre difficulté vient de la superposition d'acteurs ayant une volonté légitime d'un retour sur investissement. Il en résulte un modèle économique où l'industriel devra supporter une multiplication de marges, allourdissant le coût des partenariats. Il en résulte aussi une complexité de fonctionnement, contrairement aux attentes, qui décourage tant certains chercheurs que certains industriels. A ce titre, la résurgence "d'associations" est inquiétant, car elle traduit une pratique de valorisation clandestine qui existait dans les années 80-90 et qui avait disparue avec la professionnalisation des structures de valorisation.
- Un modèle économique qui ne fait pas consensus. La fixation des conditions financières des partenariats reste conflictuelle. Pour des raisons culturelles (l'industriel a du mal à admettre de "devoir payer l'accès aux résultats deux fois, une fois par l'impôt, une deuxième fois par un contrat de valo."; le responsable valo considère "devoir défendre l'argent du contribuable finançant la recherche et faire payer convenable l'industriel qui va s'enrichir grâce à lui"). Il ne s'agit pas seulement de stéréotype et les échanges musclés lors du congrès Curie, ou pourtant les industriels sont quasiment absents, montre la persistance de ce problème.
Difficulté venant aussi d'une compréhension imparfaite des modèles économiques : pour la recherche, le résultat proposé à l'industriel représente l'essentiel de la création de valeur futur. Pour l'industriel, il ne s'agit que de l'étincelle, qui nécessitera de sa part l'engagement de l'essentiel des investissements permettant un aléatoire succès. - La valorisation du "back ground" : autre sujet récurrant - et légitime : la valorisation des "dix ans de recherche qui ont permis d'obtenir le résultat objet d'une valorisation". La qualification de ce "back ground" est difficile, lorsque les résultats de ces dix années de recherche ont été publiées et n'ont pas été brevetées. Par ailleurs, l'industrie néglige de rappeler que de son coté, il a investi pendant des années dans la capacité à produire et à distribuer, ce qui équilibre l'apport scientifique de son partenaire dans les contributions à un succès futur.
Si la volonté de soutenir l'innovation industrielle par l'accès amélioré aux ressources de la recherche public est indéniable, et la qualité des intervenants incontestablement en progrès, l'efficacité de ces outils nécessitera une réponse claire aux questions qui aujourd'hui conduise au constat du rapport du conseil stratégique.
Merci Monsieur Breesé, il est bon de rappeler ces faits que certains refusent d'entendre.
Dans certains cas l'industriel devrait payer plus de 2 fois:
en finançant l'étude dans le laboratoire
en finançant la partie de l'étude faite chez lui
en payant des royalties sur le résultats de l'étude
En outre, ces inventions sont souvent à faible maturité technologique et l'industriel va devoir financer un développement -avec des risques d'échecs- pour des montants d'un ou 2 ordres de grandeurs par rapport à l'étude concernée.
Les négociations sont difficiles...
Rédigé par : Resp PI | 29 juin 2014 à 12:41
Vraiment top ce blog et cet article.
http://breese.blogs.com
Rédigé par : Dresolia | 06 décembre 2014 à 01:05